Les Big Brother Awards « récompensent » chaque année ceux qui, institutions ou personnalités, s’illustrent en matière d’atteintes à la vie privée (et donc aux libertés), ou de promotion de la surveillance.
Ce combat pour la défense des libertés publiques et privés concerne tout citoyen engagé, tout démocrate convaincu.
Les Big Brother Awards France ont été créés il y a dix ans, par une équipe qui s’intéressait plus particulièrement au Net et aux risques qu’il pouvait présenter quant aux données personnelles. Mais le jury, avec les internautes participant à la sélection des nominés, a élargi son champ d’action. Comme le constate Jean-Marc Manach:
Force est de constater que la société de surveillance n’a pas besoin du Net pour prospérer, et qu’elle a bien plus à voir avec tous ceux qui cherchent à surveiller les gens “à l’insu de leur plein gré“, dans des fichiers sociaux, administratifs, policiers, sans oublier, bien sûr, ces marchands de données personnelles qui exploitent leurs fichiers de façon pour le moins douteuse, qu’il s’agisse de supermarchés qui fichent les doigts de leurs clients, de ces banques qui dénoncent les sans papiers, d’Alcatel, prestataire de cybersurveillance de la dictature birmane, de la RATP qui truffe le métro de caméras (jusqu’à 60 par rame) de vidéosurveillance quasi-cachées…
Les nominés
Crédit: Cyril Cavalié
Les nominés sont nombreux, très nombreux cette année
Michèle Alliot-Marie, Eric Besson, Jean-François Copé, Christian Estrosi, Brice Hortefeux, Frédéric Mitterrand, Nadine Morano ou même Alex Türk… Le fichier H1N1 de Roselyne Bachelot, les fichiers sociaux d’Eric Woerth et Martin Hirsch, ceux de l’Education nationale, et puis Alcatel, les Caisses d’Epargne, Facebook, Google, les Pages Jaunes, la RATP… les Big Brother Awards France, qui fêtent cette année leurs 10 ans, ont croulé sous les propositions de candidatures. C’est pourquoi une nouvelle catégorie fait son apparition pour départager ministres et « exécuteurs », et plusieurs mentions spéciales viendront enrichir le palmarès. La liste des prétendants aux prix Orwell, qui « récompensent » ceux qui s’illustrent en matière de promotion de la surveillance, d’atteintes à la vie privée, et aux libertés, est désormais publique.
La liste des lauréats des Prix Orwell 2010, sanctionnant les pires atteintes à la vie privée, aux libertés publiques et individuelles, est longue. De mémoire d’organisateurs, jamais le choix n’a été aussi difficile. Nos jurés ont d’abord absolument tenus à exclure le plus attendu des Big Brothers, Nicolas Sarkozy, pour dopage et récidivisme chronique, mais à « récompenser » les plus méritants de ses exécuteurs , qu’ils soient ministres, hauts fonctionnaires, élus locaux, entreprises, médias ou personnalités. Résultat : dix trophées décernés, neuf prix Orwell et un prix Voltaire pour cette 10ème édition des BBA !
Le grand gagnant du prix Etat/Elus est Eric Besson:
« Les chefs d’inculpation sont multiples : durcissement des quotas d’expulsions, refus de disculper les personnes et associations aidant les migrants, expulsion expéditives hors contrôle du juge des libertés et non respect des droits des migrants. Comme dit Eric Besson « c’est pas Auchwitz« . Encore heureux !… »
Suivi de Michèle Alliot-Marie et de Roselyne Bachelot. Cette dernière est épinglé pour son giga-fichiers recensant les données personnelles et de santé de la totalité de la population française vaccinée… comme non vaccinée. Les laboratoires seront sans doute intéressés.
La mention « Spéciale fichiers » est attribuée aux ministres successifs de l’Education Nationale, pour le fichage des élèves , épinglé par la commission des Droits de l’Homme de l’ONU.
Nouvellement crée, la mention spéciale « Exécuteurs des basses oeuvres » récompense ces hauts fonctionnaires, petits chefs ou élus zélés sans lesquels la machine à broyer ne serait pas aussi performante.
Grand gagnant : Eric Ciotti, député et président du Conseil général des Alpes-Maritimes. Il est rapporteur de la dernière loi sécuritaire de l’ère Sarkozy (« Loppsi2« ), « porte-flingue » du gouvernement pour toutes les questions de sécurité intérieure, et « conducator » zélé d’un département qui veut être le premier à supprimer les allocations aux familles en difficultés.
La mise en place d’Hadopi est un créneau financièrement porteur pour ceux qui vont mettre en place le flicage des internautes, et les lobbys sont très intéressés. Aux frais des contribuables et des internautes, et de nos libertés.
La société nantaise TMG est celle qui devra réaliser les collectes d’adresses IP sur les réseaux P2P pour les quatre organisations d’ayants droit qui saisiront ensuite l’Hadopi : la SCPP, la SPPF, l’ALPA et la Sacem.
« Thierry Lhermitte a acquis, à l’occasion d’une augmentation de capital de TMG, une quantité très significative des parts sociales de la société sélectionnée par l’Hadopi pour fournir les moyens de fliquer les ordinateurs de chacun(e) de nos concitoyen(nes)« , expliquaient les BBA. « Cet investissement dont on ne doute pas un instant qu’il va être prochaînement « bankable » a été opportunément réalisé en synchronisme avec l’adoption la loi Hadopi et la mise en place de l’institution éponyme. »
Les services web de géolocalisation et les Pages Jaunes sont aussi épinglés.
Prix Orwell Localités
Est remporté par le très sécuritaire maire de Nice, Christian Estrosi, pour son réseau de vidéosurveillance de 600 caméras.
Prix Orwell Novlang :
Est attribué à Brice Hortefeux.
Il a signé le décret imposant le terme de « videoprotection » et la modification de tous les textes règlementaires, histoire de rétablir une réalité sinon sécurisante du moins sécurisée.
Prix Spécial du Jury – 10 ans des BBA
remis à Alex Türk, sénateur du Nord et président de la Commission de l’informatique et des libertés (CNIL), qui ne perdait rien pour attendre. Il a finalement été distingué par ce Prix Spécial, après avoir été un candidat malheureux pendant de si nombreuses années. C’est presque un vétéran dans son domaine : lorsque les BBA se sont mis à faire le travail qui devrait être également le sien, avec leur première édition en 2000, Alex Türk était déjà commissaire à la CNIL. Il en deviendra président en 2004, et sa posture de « garant » des libertés à l’ère du numérique, alors qu’il a lui-même participé à l’érosion des pouvoirs de la CNIL, ainsi que son double discours perpétuel a poussé le jury, à l’unanimité, à l’extraire de la sélection pour lui réserver cette distinction particulière. Il était nominé en tant qu’ « exécuteur de basses oeuvres » et pour son appétit à jouer de la « novlangue » avec persévérance.
Crédit: affiche de Cyril Cavalié
Références
Merci à Jean-Marc Manach, pour son blog » Bug Brother » et l’ensemble de son œuvre
Big Brother Awards: les nominés
Eric Besson emporte un prix Orwell (Thierry Lhermitte aussi)
Sur le site des Big Brothers Awards
Big Brother Awards 2010 : Et 10 Prix Orwell pour les 10 ans, 10 !
Liste des nominés et des gagnants
Et Numérama:
Hadopi : TMG et Thierry Lhermitte remportent un Big Brother Award
Crédits: visuel et affiche de Cyril Cavalié