La Mort annoncée de la Justice des mineurs

Signez la Pétition

Une pétition contre le démantèlement de la justice des mineurs est lancée ici, déjà signée par un certain nombre de personnalités (c’est une action différente de la cyberaction évoquée ici: Justice des mineurs: la France au ban des nations ?)

L’Unicef se mobilise contre le démantèlement de la justice des mineurs:

Il y a eu, dans la mouvance de la campagne présidentielle, des positions quelque peu tranchées, caricaturées, qui pourraient faire craindre que le répressif prenne le pas et que les jeunes soient stigmatisés. C’est bien normal que l’Unicef, qui est l’avocat des enfants, dise « attention, les enfants, par définiton, sont des êtres fragiles, ils ne peuvent être traités comme de petits adultes».
Par ailleurs, il convient de rappeler que le problème n’est pas seulement de l’ordre des mesures juridiques. Il y a aussi les difficultés d’application : le nombre de personnels dévolus à l’accompagnement des mineurs, les délais de comparution et de prise en charge qui ne sont pas satisfaisant… Cela ne sert à rien d’avoir un dispositif théorique renforcé si un certain nombre de principes de base ne sont pas appliqués pour des raisons matérielles. Il convient donc de veiller à la bonne application de la Justice des enfants. Il faut s’assurer que les enfants soient jugés dans des délais raisonnables, qu’ils comprennent les mesures et sanctions, et qu’elles soient exécutées dans les meilleures conditions.

Plusieurs experts ont apporté leur avis sur ce sujet, donnant des arguments détaillés contre ce projet  à l’idéologie sécuritaire.

L’éthologue et neuropsychiatre, Boris Cyrulnik, propose une approche scientifique des phénomènes de délinquance en restituant les comportements individuels dans leur environnement.

http://www.dailymotion.com/video/x6rjmm

L’Unicef France s’appuie sur une série d’entretiens d’experts et de personnalités :

L’Unicef-France a analysé le projet de loi, et répond par un argumentaire à télécharger ici.

Voici sa position sur l’opportunité de sanctions plus dures:

  • Créer un tribunal correctionnel pour les 16-18 ans, fussent-ils récidivistes, est
    contraire aux engagements internationaux. C’est un glissement de la Justice des
    mineurs, qui doit rester spécifique, vers la justice des adultes.
  • Il est inadmissible que le Juge des enfants soit stigmatisé comme étant plus laxiste et mis en minorité face à des juges pour adultes dans ce tribunal.
  • La France a déjà été épinglée par le Comité des droits de l’enfant pour ne pas appliquer la règle de la détention en dernier ressort. Ce texte est un recul pour la France. Il faut aller au-delà de la sanction et bâtir un projet ayant pour finalité l’insertion sociale.
  • La France devrait également se plier à ses engagements internationaux en termes de renforcement des mesures de prévention. Nulle trace de prévention ici.
  • L’assouplissement de l’usage des Centres Educatifs Fermés pose la question du
    budget et de la formation. Les effectifs de la PJJ baissent de 400 personnes en 2 ans.
  • Beaucoup de mineurs délinquants, qui passent à l’acte, auraient besoin de soins pédopsychiatriques mais les possibilités de prise en charge manquent cruellement.
    L’Unicef considère que les jeunes délinquants sont aussi des mineurs en danger.

Texte de la pétition:

Le ministère français de la Justice a annoncé en avril 2008 une réforme de l’Ordonnance de 1945, texte fondateur de la justice des mineurs en France. Depuis 2007, l’Unicef France se mobilise pour exiger le respect d’une justice spécifique et adaptée aux enfants, dans le respect de la Convention internationale des droits de l’enfant.

-par des actions de sensibilisation et de plaidoyer auprès des parlementaires
-par des campagnes de communication auprès du grand public

« Pour l’Unicef, quel que soit son crime, un enfant ne doit jamais être traité comme un adulte. Un enfant délinquant c’est d’abord un enfant en danger. La justice se doit de le protéger ».

Dans l’indifférence générale, le gouvernement s’apprête à faire voter en procédure accélérée la disparition de la spécialisation de la justice des mineurs par la création d’un tribunal correctionnel pour mineurs et par la mise à l’écart du juge des enfants du suivi des mineurs auteurs d’infractions.

Malgré les protestations unanimes des professionnels qui avaient abouti en 2008 à l’abandon du projet de code pénal des mineurs, malgré la censure le 10 mars 2011 par le Conseil Constitutionnel de la quasi totalité des dispositions de la LOPPSI 2 (Loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure) concernant le droit pénal des mineurs, au mépris des principes constitutionnels et des engagements internationaux ratifiés par la France, tels que la Convention internationale des droits de l’enfant et les Règles minimales de Beijing, le gouvernement s’obstine à vouloir aligner le régime pénal des mineurs sur celui des majeurs

L’objectif avoué de la réforme est de renforcer la répression de la délinquance des mineurs en entretenant l’illusion que la crainte d’une sanction plus forte suffirait, de façon magique, à dissuader des adolescents déstructurés d’un passage à l’acte.
Au contraire ces nouvelles dispositions vont affaiblir les moyens d’action éprouvés et efficaces de notre justice des mineurs.

Le reproche de lenteur régulièrement fait à la justice des mineurs découle de la confusion entretenue entre la nécessité de la réponse rapide à donner à un adolescent en dérive et celle d’un jugement à bref délai. La véritable urgence est celle de la mise en oeuvre de solutions éducatives afin de prévenir la répétition d’actes délinquants.

L’intervention d’un juge des enfants prenant en compte les situations individuelles, (« mon juge », disent les jeunes) et la réévaluation régulière des mesures éducatives en cours sont autrement plus pertinentes que l’empilement de peines sur un casier judiciaire dans des audiences surchargées tenues par un juge des enfants de permanence, sur la base de renseignements rassemblés à la hâte par un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse.

La justice des mineurs doit rester une justice de la continuité, menée par des professionnels-repères (juge des enfants, éducateur, avocat…) pour le mineur et prenant en compte son évolution et non une réponse ponctuelle au passage à l’acte.

Les tribunaux pour enfants doivent disposer des moyens et des structures pour pouvoir apporter une réponse rapide et individualisée. Ainsi, les services éducatifs (Protection Judiciaire de la Jeunesse, associations habilitées) doivent pouvoir proposer des prises en charge éducatives de nature différente (placement, milieu ouvert, insertion…).

A l’opposé de cette démarche, le projet fait quasiment disparaître le tribunal pour enfants où siègent au côté du juge des enfants deux assesseurs recrutés pour leur intérêt pour les questions de l’enfance ; les voici congédiés au profit du tribunal correctionnel, augmenté dans certaines affaires d ‘assesseurs citoyens tirés au sort et où le juge des enfants servira d’alibi.

Etrange manière de faire participer la société au jugement de ses enfants, que de démanteler ainsi une justice de qualité où l’on s’efforce de donner la parole à tous, mineur, famille, victime, éducateur, procureur et défense et d’allier pédagogie et sanction.

Toujours plus rapide, toujours plus répressif : à l’instar des comparutions immédiates pour les majeurs, le procureur pourra renvoyer les mineurs en jugement dans le cadre de dispositions pratiquement identiques à celles qui viennent d’être censurées par le Conseil Constitutionnel, les conditions de peines encourues et d’âge étant tellement extensives qu’elles s’appliqueront à tous.

L’accélération effrénée des délais de traitement de procédure, l’injonction faite de trouver un « remède miracle » met les professionnels « au pied du mur » et conduit les mineurs « entre les murs » sans perspective de développement des lieux de placement alternatifs ».

Pourtant la multiplication des incidents ces dernières semaines dans les établissements pénitentiaires pour mineurs et l’augmentation de l’incarcération des mineurs démontrent l’impasse à laquelle conduit un traitement purement répressif de la délinquance juvénile et la priorité budgétaire absolue donnée depuis 2002 aux centres éducatifs fermés et aux établissements pénitentiaires pour mineurs.

On nous ressasse que « les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier » sans oser expliciter s’il s’agit de la taille physique qui accélère la maturité ou des origines sociales de certains jeunes. Mais les partisans de cette « majorité pénale » des jeunes de 16 ans ne proposent pas pour autant de leur attribuer les droits civils correspondants : droit de vote, permis de conduire…

Le projet en voie d’être adopté démontre surtout que « les adultes d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier » et n’ont plus le courage de construire un projet pour la jeunesse la plus fragile alors qu’il n’existe aucune politique de la jeunesse globale, cohérente et positive.

Refusons le jugement de nos enfants par le tribunal des adultes

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