Justice des mineurs: la France au ban des nations ?

Un silence assourdissant entoure la réforme de la justice des mineurs. Médiapart vient de se joindre au mouvement de ceux qui la dénoncent : La justice des mineurs revue en mode majeur (abonnés). Un des commentateurs de l’article, Démocrypte, rappelle ceci:

Sur son blog le président du tribunal pour enfant de Bobigny, JP Rosenzweig écrit à propos de cette loi : « Ce qui nous est proposé à travers le projet de loi en cours d’examen par le parlement n’est rien d’autres qu’une justice à l’acte où l’Etat sanctionne chaque infraction, mais sans permettre qu’un travail social de fond se déroule. On sait maintenant que ceux qui nous gouvernent aujourd’hui ne croient pas à l’efficience de ce travail. Ces dispositions législatives ne sont pas dirigées contre les juges tenus pour laxistes mais contre les travailleurs sociaux tenus pour inefficaces. On est délinquant et on le demeurerait. Ils n’ont plus confiance dans les capacités de changement de l’individu. Il faut donc cantonner les univers et se protéger. L’individu choisissant d’être délinquant, tout au plus, croit-on, en la peur de la sanction. »

Contre cette réforme, l’UNICEF en appelle au respect du droit international des enfants.

http://www.dailymotion.com/video/x8ooar

Hélène Danel, que nous connaissons bien dans notre Mouvement Départemental des Yvelines (Flins sans circuit F1), à lancé une cyber-pétition, à laquelle je vous invite à vous joindre:

Depuis quatre ans, les ministres de la Justice qui se sont succédés, ont rappelé qu’aux yeux du gouvernement, l’Ordonnance du 2 février 1945 qui régit le sort de l’enfance délinquante était devenue illisible et qu’il était indispensable qu’un code pénal applicable aux mineurs soit réfléchi dans son ensemble.

L’Ordonnance du 2 février 1945 a été réformée 34 fois en 63 ans dont 12 fois les dix dernières années.

Contre toute attente, va être soumis au Parlement selon la procédure d’urgence et dans l’indifférence générale, un projet de loi qui va introduire de nouvelles modifications substantielles à l’ordonnance du 2 février 1945.

L’ensemble de ce projet de loi applicable à la justice des mineurs va modifier intégralement la philosophie de l’ordonnance du 2 février 1945 qui vise à la réinsertion des enfants délinquants et s’écarte définitivement des principes fondamentaux posés par le Conseil Constitutionnel et les Textes internationaux.

Abandonné le projet de code pénal régissant la justice pénale applicable à la jeunesse.

Confisqué le débat de société indispensable sur un sujet qui engage le sort, sur plusieurs décennies, de ces jeunes en difficultés.

La plupart des pays d’Europe (l’Allemagne, l’Espagne, etc…) et récemment la Suisse, ont adopté des systèmes de justice pénale applicable aux mineurs s’inspirant des principes de l’ordonnance du 2 février 1945 :

  • priorité à l’éducatif,
  • professionnels spécialisés autour du jeune,
  • traitement prudent et très personnalisé du suivi du jeune,
  • recours exceptionnel et limité à la détention.

Ce projet de loi s’éloigne définitivement de ces principes .

Il y a urgence, puisque ce projet de loi examiné en une seule lecture au Sénat le 17 mai passera à l’Assemblée Nationale en juin.
Catherine Sultan Présidente de l’Association Française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille
Hélène Danel Vice Présidente de l’Association Cyber @cteurs

avec le soutien du Syndicat de la Magistrature, du Conseil National des Barreaux et de l’UNICEF

Pour en savoir plus

Justice des mineurs : non à une réforme dangereuse et expéditive !
http://www.unicef.fr/contenu/actualite-humanitaire-unicef/justice-des-mineurs-non-une-reforme-dangereuse-et-expeditive-2011-05-16

voir en pdf ci-dessous la présentation faite par l’UNICEF lors d’une rencontre parlementaire
http://www.cyberacteurs.org/cyberactions/pdf/Presentation_Justice-penale-mineurs_Rencontres-Parlementaires-Unicef-France_11052011(2).pdf

NOTE SUR LE PROJET DE LOI DU 13 AVRIL 2011 Réformant la Justice pénale des mineurs + avis de l’Association Française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille
http://www.cyberacteurs.org/forum/viewtopic.php?f=19&t=10814

L’incarcération des mineurs atteint un niveau préoccupant
http://www.politis.fr/L-incarceration-des-mineurs,14066.html

Projet de réforme de la justice des mineurs : danger !
http://www.syndicat-magistrature.org/Projet-de-reforme-de-la-justice.html

Projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl10-438.html

Pour une véritable concertation pour un code pénal régissant la justice pénale applicable à la jeunesse
http://www.cnb.avocat.fr/Le-projet-de-loi-sur-la-justice-penale-depose-le-13-avril-2011-au-Senat-doit-preserver-la-specificite-de-la-justice_a1068.html

Voir discussion à ce sujet sur notre forum

Un autre commentateur sur le site de Mediapart, Koszayr ex chef de pôle à l’administration centrale du Ministère de la Justice, donne le texte du conseil des ministres du Conseil de l’Europe

Recommandation Rec(2003)20 du Comité des Ministres aux Etats membres
concernant les nouveaux modes de traitement de la délinquance juvénile et le rôle de la justice des mineurs

Ces recommandations sont éclairantes et doivent être transposées en droit interne, j’en souligne en gras l’essentiel. Le point 18 est très intéressant dans la mesure où il prescrit une évaluation approfondie. Cette procédure existe en France, elle vient de faire l’objet d’un décret.C’est la Mesure Judiciaire d’Investigation Éducative (MJIE) applicable depuis le 1er Janvier 2011 et mise en œuvre par des association habilitées et les services publics de la PJJ. Un mineur n’ayant jamais eu affaire avec la justice, ne peut être jugé tant que cette évaluation n’a pas rendu ces résultats. Cette évaluation est une méthode pluridisciplinaire (éducateur spécialisé, assistant social, psychologue, psychiatre).  Sa durée est de l’ordre de 3 à 5 mois selon la circulaire d’application (accessible sur le portail du ministère de la Justice et des Libertés).

Il serait douteux que le conseil constitutionnel n’invalide pas cet énième projet liberticide au regard du respect de cette recommandation!

Extraits de la recommandation:

III. De nouvelles réponses

7. Il conviendrait de continuer à développer la gamme des mesures autres que les poursuites judiciaires classiques. Ces mesures doivent s’inscrire dans une procédure régulière, respecter le principe de proportionnalité, être prises dans l’intérêt supérieur du mineur et ne s’appliquer «en principe», que dans les cas où la responsabilité est librement reconnue.

8. En vue de lutter contre les infractions graves, violentes ou répétées commises par des mineurs, les Etats membres devraient développer une gamme plus large de mesures et de
sanctions appliquées dans la communauté, qui soient novatrices et plus efficaces (tout en restant proportionnelles). Ces mesures devraient viser directement le comportement délictueux et prendre en compte les besoins du délinquant. Elles devraient également associer les parents du délinquant ou son tuteur légal (à moins que cela ne soit considéré
comme allant à l’encontre du but recherché) et, s’il y a lieu et lorsque c’est possible, permettre la médiation, la réparation des préjudices causés et l’indemnisation de la victime.

9. Le degré de culpabilité devrait être davantage lié à l’âge et à la maturité du délinquant, et mieux correspondre à son stade de développement, les mesures d’ordre pénal étant appliquées progressivement au fur et à mesure du développement de sa responsabilité individuelle.

10. Il conviendrait d’encourager les parents (ou les tuteurs légaux) à prendre conscience de leurs responsabilités envers le comportement délictueux des jeunes enfants et à les assumer.
Ils devraient être présents aux audiences des tribunaux (à moins que cela ne soit considéré comme allant à l’encontre du but visé) et, lorsque les circonstances le permettent, se voir proposer aide, soutien et conseil. Si cela se justifie, ils devraient être tenus d’accepter un
accompagnement psychosocial ou de suivre une formation à l’exercice des responsabilités parentales, de veiller à ce que leur enfant fréquente l’école et d’assister les organismes officiels dans l’exécution des sanctions et mesures dans la communauté.

11. Pour tenir compte de l’allongement de la période de transition vers l’âge adulte, il devrait être possible que les jeunes adultes de moins de 21 ans soient traités d’une manière comparable à celle des adolescents et qu’ils fassent l’objet des mêmes interventions, si le juge estime qu’ils ne sont pas aussi mûrs et responsables de leurs actes que de véritables adultes.

12. Pour faciliter leur entrée dans la vie professionnelle, tout devrait être fait pour veiller à ce que les jeunes délinquants de moins de 21 ans ne soient pas tenus de révéler leurs
antécédents judiciaires à leurs employeurs potentiels, à moins que la nature de l’emploi visé ne le justifie.

13. Il conviendrait de mettre au point des outils d’évaluation du risque de récidive pour pouvoir adapter avec précision la nature, l’intensité et la durée des interventions au risque de récidive et aux besoins du délinquant, sans jamais perdre de vue le principe de proportionnalité. S’il y a lieu, les organismes compétents devraient être encouragés à échanger des informations, mais toujours dans le respect de la législation relative à la protection des données.

14. Il faudrait fixer de courts délais pour les différentes phases de la procédure pénale, de manière à éviter les retards et à réagir le plus rapidement possible à la délinquance
juvénile. Dans tous les cas, il convient de trouver un juste équilibre entre les mesures destinées à accélérer la procédure et à améliorer son efficacité, et les exigences d’un procès.

15. Lorsque des mineurs sont placés en garde à vue, il conviendrait de prendre en compte leur statut de mineur, leur âge, leur vulnérabilité et leur niveau de maturité. Ils devraient être informés dans les plus brefs délais, d’une manière qui leur soit pleinement intelligible, des droits et des garanties dont ils bénéficient. Lorsqu’ils sont interrogés par la police, ils devraient, en principe, être accompagnés d’un de leurs parents/leur tuteur légal ou d’un autre adulte approprié. Ils devraient aussi avoir le droit d’accès à un avocat et à un médecin. Ils ne devraient pas être maintenus en garde à vue plus de quarante-huit heures au total, délai qu’il faudrait s’efforcer de réduire encore pour les délinquants les plus jeunes. La garde à vue des mineurs devrait être supervisée par les autorités compétentes.

16. Lorsque des suspects mineurs sont en dernier recours placés en détention provisoire, il ne devrait pas s’écouler plus de six mois avant qu’ils ne passent en jugement, cette période ne pouvant être prolongée que dans les cas où un juge ne participant pas à l’instruction de l’affaire a acquis la certitude que les éventuels retards dans la procédure sont pleinement justifiés par des circonstances exceptionnelles.

17. Dans la mesure du possible, il convient de recourir, avec les suspects mineurs, à des solutions autres que la détention provisoire, comme le placement chez des proches, dans des familles d’accueil ou autres formes d’hébergement encadré. La détention provisoire ne doit jamais être utilisée comme une sanction ou une forme d’intimidation, ni en remplacement de mesures de protection de l’enfant ou de soins de santé mentale.

18. Pour décider de l’opportunité de placer un jeune suspect en détention provisoire afin d’éviter qu’il ne commette de nouvelles infractions, les tribunaux devraient procéder à une évaluation approfondie des risques en s’appuyant sur des informations
détaillées et fiables concernant la personnalité et la situation sociale
de l’intéressé(e).

19. Les mineurs faisant l’objet d’une mesure privative de liberté devraient être préparés en vue de leur libération dès le premier jour de leur détention. Une évaluation complète des
besoins et des risques devrait étayer un programme de réinsertion préparant pleinement le délinquant à la libération et prenant en compte de manière coordonnée ses besoins en matière de formation, d’emploi, de revenus, de santé, de logement, de suivi et d’environnement familial et social.

20. Il convient d’adopter une stratégie progressive de (ré)insertion faisant appel à des permissions de sortie, au séjour en établissement ouvert, à la libération conditionnelle
anticipée et au placement en unité de réinsertion. Il faudrait consacrer des moyens à l’organisation de la réinsertion après libération, réinsertion qui, dans tous les cas, sera programmée et menée en étroite collaboration avec les structures extérieures au milieu pénitentiaire.

Koszayr ex chef de pôle à l’administration centrale du Ministère de la Justice, présente ses excuses pour la longueur de ce commentaire, mais l’enjeu en terme de libertés publiques comme du peu de considération accordée à nos jeunes citoyens que l’UMP oublie (Chômage, formation, financement des études supérieures, RMI jeunes,logement) m’obligent.Il est vrai que le président et l’UMP des riches ont fait d’autres choix.

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