Le Mouvement Démocrate s’est parfois senti maltraité par les médias. Réciproquement, des journalistes se sont plaints d’être villipendés. Aussi semble-t-il intéressant de regarder le contexte dans lequel les médias fonctionnent. Et de comprendre pourquoi certains sujets sont évités, ce qui est un risque pour l’information du citoyen, et donc, pour la démocratie.
Dans son dernier numéro, Télérama a édité une enquête consacrée à la censure à la télévision. En France, pas en Chine.
Il ne s’agit plus de « coups de fil du Château », comme à l’époque du Général, pour interdire la publication d’une information. Ce serait trop dangereux à l’époque d’Internet. Chirac et Jospin y avaient déjà renoncé, par pragmatisme ou par conviction. En 2000, France 3 a ainsi diffusé la « cassette Méry », mettant en cause le Président de la République dans une affaire de financement occulte.
De nos jours, une révélation « étouffée » de manière frontale risquerait de ressurgir sous forme d’une affaire faisant davantage de bruit. Même Sarkozy ne s’y risque pas, bien qu’il se soit donné les moyens de mettre la pression sur les directeurs de chaînes publiques.
Non, c’est plus insidieux: « on pratique l’autocensure, par précaution. Pas question pour les chaînes de perdre des budgets publicitaires, surtout en période de crise… ni de se mettre à dos une icône médiatique. »
Car l’argent est devenu un problème pour les médias, qui ont perdu une part importante de leurs ressources publicitaires, « au point de voir leur rapport à l’information se fragiliser dangereusement. Mauvaise nouvelle pour la démocratie. On est mieux armé pour résister aux pressions de toute nature quand on dispose des moyens de dire non. »
« Désormais, tout se joue en coulisses. C’est une censure à bas bruit, invisible des téléspectateurs. Elle se pratique en amont, dans les bureaux des rédacteurs en chef ou des directions des chaînes. Elle est faite de tous les renoncements à s’attaquer à certains sujets gênants, des petites lâchetés qui font céder aux pressions dès qu’elles se font insistantes, d’une forme d’autocensure nourrie chez les journalistes du rappel régulier des contraintes économiques qui pèsent sur leur entreprise. Le sous-texte est clair : on ne touche pas aux gros annonceurs. »
Les chaînes privées ont leurs « zones grises », les sujets d’enquêtes à éviter par les journalistes.
Pour Canal +, il s’agira du football, du cinéma (j’ajouterais bien les libertés sur Internet, bien que ce ne soit pas signalé par Télérama).
Pour TF1 et M6, les gros annonceurs et les puissances politiques sont ménagés. Les enquêtes peuvent porter sur des « proies plus modestes ». Ainsi un reportage sur la restauration rapide pouvait s’intéresser aux restaurants et boulangeries de quartier, mais pas aux grands groupes: “Laisse tomber, McDo c’est des copains !”
Ainsi, selon que vous serez puissant ou misérable, la justice des médias vous déclarera innocent ou coupable. Autrement dit, il y aura, ou non, enquête: « A TF1, on s’est résigné depuis longtemps à ne plus faire d’investigation dans le champ politique et dans celui de l’entreprise ».
Mais la censure est d’abord dans les têtes: « Les choix éditoriaux ressemblent de plus en plus à des choix d’évitement comme si, de la base au sommet, la chaîne était paralysée par l’idée de déplaire au pouvoir. A tous les pouvoirs. »
A ses débuts, M6 s’était lancée dans l’investigation économique, n’hésitant pas à enquêter sur de « grandes entreprises », c’est à dire de « gros annonceurs ». Les réactions de certains, qui ont réduit leurs achats d’espace publicitaire, ou ont fait pression sur la direction, ont découragé les investigations des journalistes.
Ainsi, pour le directeur de l’information de M6, il est normal de traiter différemment les entreprises en fonction de leur importance: « Renault n’est pas le charcutier du coin de la rue ». Et les enquêtes « dérangeantes » sont expurgées.
Les actionnaires des chaînes privées sont intouchables. Chez TF1, c’est l’omerta sur le monde du BTP ou celui des opérateurs de télécommunications. Les enquêtes sur la gestion de l’eau ou le groupe de LVMH ont été jugées indésirables chez M6.
Un autre élément de censure est le juridisme, qui concerne essentiellement les chaînes privées. La peur d’un procès est telle que les services juridiques sont systématiquement consultés avant diffusion. Mais les juristes ont tendance à se couvrir, et donc de limiter les risques, quitte à faire respecter le droit au-delà du nécessaire, amplifiant l’autocensure des rédactions.
Pour les chaînes publiques, l’indépendance des producteurs et des journalistes est revendiquée et reconnue. S’il y a des tentatives de pression de la part de groupes concernés par une émission d’investigation, elles ne parviennent pas sur les journalistes.
« La télévision publique use de sa liberté. On aimerait qu’elle en abuse. Pas encore assez d’enquêtes sur la finance et les grandes entreprises. De trop rares investigations politiques. Une critique culturelle étique, notamment concernant le cinéma« .
« Les chaînes publiques offrent, dans leurs magazines d’information, des enquêtes souvent sans complaisance menées en toute indépendance. Elles donnent ainsi la possibilité d’introduire un peu de sens et de compréhension au milieu du vacarme médiatique. Une chance pour le téléspectateur et un acquis à défendre. »
Pour aller plus loin :
Articles de Télérama: Actionnaires, annonceurs : le club des nouveaux censeurs, “Laisse tomber, McDo c’est des copains !”, Faut pas chauffer Marcel
Sur « Les sentinelles de laRépublique »: La concentration des médias n’est pas démocratique ! Qui les possèdent et comment fonctionnent-ils ?
Bonjour,
le lien que vous donnez vers le blog d’inventerre n’est pas fonctionnel
cet article « la concentration des médias n’est pas démocratique » est disponible sur son site d’origine à l’adresse que je vous indique ici
http://www.sentinelles-de-la-republique.com/la-concentration-des-medias-nest-pas-democratique/
cordialement
Les Sentinelles de la République
http://www.sentinelles-de-la-republique.com
Merci pour l’info. J’ai corrigé le lien dans l’article. Et c’est l’occasion de découvrir votre site.