La liberté numérique: notes prises à l’Université Populaire

Carnet de notes:  Session de l’Université Populaire du Mouvement Démocrate du 14 mars 2009, sur le thème « la liberté numérique,

par Mireille Camaji (notes prises lors de la session, retranscrites telles quelles, qu’elle m’a retransmises)

Tous les intervenants étaient intéressants. J’ai personnellement beaucoup apprécié l’intervention de Paul Mathias « Internet comme démocratie réticulaire».

Thème abordé : la liberté numérique, présentée par Jean Pierre Rioux

La première session de l’université populaire est consacrée à l’examen d’un aspect essentiel de la « révolution numérique » qui habite chacun d’entre nous et qui a saisi le monde : cette liberté, si revendiquée et si disputée, si gratuite et si banalisée, qui est désormais liée à l’usage massif et intense d’internet et autres avancées technologiques. Il s’agit ici de tenter d’en discerner la probabilité démocratique, la force citoyenne et la capacité politique.

« Les territoires et leur connexion »,

par Cécile Moulard (Sixième Continent, HEC), auteure de Mail Connexion (Au Diable Vauvert) ;

Les territoires et leurs connexions

Dimension sociale de la fracture

D’abord plusieurs constatations,  le numérique  et internet permet des connexions très rapides entre des milliers de personnes. Le téléphone portable, internet ont été largement utilisés récemment (exemple du tsunami, de la révolution à Manille). Je reçois des informations, donc j’ai envie aussi de transmettre. Ce qui crée le lien suivant : transmission – relation – réception.

La connexion produit la façon de penser ce qui est un territoire. La notion de territoire telle qu’on la concevait avant l’arrivée du numérique se résumait physiquement à notre foyer, notre ville, notre région, notre pays, les lieux que nous fréquentons quotidiennement.

Nous avons besoin de limites pour nous sentir protéger.

La connexion elle, repousse ces limites.

Dans l’entreprise par exemple cela peut créer de la panique. Elle savait qui étaient ses concurrents, à l’heure actuelle cette notion même est remise en cause. On ne peut savoir où ils se trouvent.

On se sent évoluer dans un « 6e continent » invisible (essentiellement internet).

Internet : le grand public se l’approprie dans les années 98-2000 soit il y a quinze ans à peine.  C’est rapide et on n’a pas le temps de l’intégrer, de l’apprivoiser, de le rentrer dans nos vies.

Ce n’est pas ce qui se produit, mais la vitesse à laquelle cela se produit

Il existe deux lois mathématiques : (les « fées »)

–          La loi de Metcalfe : à savoir le réseau n’a d’intérêt que s’il y a des gens pour se parler entre eux « l’attrait d’un réseau croit proportionnellement au carré du nombre de ses membres(n2) »

–          La loi de Reed : loi des réseaux (1990) formateurs de groupes : Les réseaux qui encouragent la construction de groupes qui communiquent créent une valeur qui croît de façon exponentielle avec la taille du réseau, soit, beaucoup plus rapidement que la loi de Metcalfe. J’appellerai de tels réseaux des réseaux formateurs de groupes ou RFG (Group-Forming Networks, ou GFN, en anglais). » La loi de Reed ajoute une dimension humaine à la dimension technologique.

Donc un réseau : c’est vitesse + 2 lois.

Les territoires ne disparaissent pas, ils se relient (groupe et territoire se confondent)

Quelle valeur crée-je  en entrant dans ce réseau ?

Réflexion autour du Media

D’un côté la société se « médiatise ». Un media c’est le relai entre celui qui cherche une info et celui qui la possède)

C.Moulard cite l’exemple de Danone en 1998 qui a commencé à communiquer autour du yaourt (révolutionnaire !) sous « yaourt.com ». De ce faite Danone devenait un media.

De l’autre côté, tout devient marchand. En raison de la création de « valeur ».

Le media d’hier ne faisait que diffuser  l’information. Maintenant il y a retour d’information immédiat.

Donc les media deviennent des médiateurs et des intermédiateurs (ou marchand). Cela crée la sphère media marchande. Ces trois dernières années les individus eux-mêmes sont devenus des media marchands

C’est déjà l’univers du renversement.

De l’intimité à la « privacy »

L’utilisateur du réseau découvre, crée un e mail en premier et donc il faut protéger cette intimité.

Avec le temps on lâche de son intimité (nos goûts et préférences sont répertoriés, exemple des réseaux de « chats ») . On passe de l’intimité à la « privacy »

Exemple de Pierre Belanger (avec Skyblog, remarquable plateforme interactive radio-internet-mobile, leader européen des blogs à l’époque) ;

On arrive ainsi à l’ »extimity » (contraire de l’intimité) et ces détenteurs de blogs deviennent des media. Apple parle des « digital natives »

Résumé :

renversement : le média crée du lien et le lien crée du media

Obama a compris cela, il a opéré ce renversement.

C’est par la connexion que la valeur se crée.

C’est un nouveau contrat que nous offre la connexion avec les territoires

Chacun est responsable de tous

Chacun est seul responsable

Chacun est seul responsable de tous    (A. de Saint Exupéry)


« Que faut-il entendre par fracture numérique ? »

par Éric Guichard  (Équipe « Réseaux, savoirs et territoires » de l’École Normale Supérieure), co-auteur de Odyssée Internet. Enjeux sociaux (Presses Universitaires du Québec)

La fracture numérique

Comment se construit un discours sur des données pas très fiables

La fracture numérique est une « maladie imaginaire » mais qui existe.

Une étude du Credoc  sur les détenteurs d’ordinateurs et d’internet (la connexion internet constitue la fracture) pose les caractères de la fracture. Mais l’intervenant s’attache à préciser que les statistiques en questions font ressortir des catégories binaires qui ne rendent pas totalement admissible la notion de fracture numérique. Par exemple il peut en découler que les pauvres ne font plus d’enfants puisque les classes « pauvres » ont peu d’ordinateurs et les enfants en on un en majorité.

C’est dans les années 90 que s’est posée la question de la fracture numérique. Cette fracture se manifeste par des différences entre ceux qui possèdent haut ou bas débit, ceux qui ont un ordinateur chez eux , ceux qui n’en ont pas, etc… C’est à l’époque un discours très national.

Diversité des appréciations et des observations : par exemple aux US les notions raciales apparaissent tout de suite, et en France c’est « euphémisé ». On ne parle pas de la différence de pratique entre hommes et femmes par exemple. (il ne faut pas de « sujet qui fâche »), l’info est pasteurisée dans le domaine.

Il ne faut pas croire que la fracture numérique puisse être objectivée.

Les paramètres  utilisés pour évaluer la fracture numérique varient selon les pays (pas plus de 5 paramètres ne doivent être utilisés cela donne déjà 32 hypothèses à étudier – 2 5_

Parler de  et  mesurer la fracture numérique construit une légitimité mais va polluer l’espace numérique ( car on se l’approprie en tant qu’expert)

Comme les experts s’approprient le credo sur la fracture numérique

Avoir ou ne pas avoir une chose : c’est un niveau d’analyse. La possession peut se décliner en terme d’usage.

Evolution en général tous les 3 ans du matériel (cela rend difficiles les études) Croyance entre déterminisme et innovation. La question des usages sert à raconter un discours sur la société plus qu’une enquête.

Question de pouvoir. Faut il plus ou moins d’Etat ? la dunamique d’usage est elle ou non tirée par le marché ?

Narration utopique du social à partir de la fracture numérique.

Les sites officiels du traitement de la fracture numérique sont hors d’usage maintenant. On en arrive aussi  au paradoxe de l’écologie avec  ces ordinateurs qui deviennent de plus en plus rapidement obsolètes.

On pourrait aussi se poser d’autrs questions

Le haut débit sert essentiellement à financer la pub (exemple du site de TF1 qui comporte 87.8 % de « déchet » ou de la pub, et 2 % d’info pure)

Ce qui revient à admettre qu’on fait aujourd’hui autant avec le HD qu’avec un Modem en 1995.

Par ailleurs, l’écriture se confond avec les outils qui en permettent la maîtrise. Ce sont les outils de l’écriture qu’on néglige le plus souvent dans les analyses sociologiques.

Savoir lire et écrire : deux régimes d’écriture existent : électronique, livre. Il faudrait relier l’érudit qui maîtrise mal excel et l’informaticienne qui fait des fautes d’orthographe.

La fracture peut être due a manque de connaissance, on peut analyser à ce niveau aussi.

Pourquoi vouloir résorber la fracture numérique et ne pas créer un ordinateur qui durera 10 ans ?

La critique existe parmi nos sociologues et philosophes (Bourdieu, Foucault) mais qui les utilise pour  effectuer une analyse sur la fracture numérique ? Les US mais pas les Français. Pourquoi ?

Jean Paul Rioux résume les deux précédentes interventions ainsi : comment arriver à un monde où tout le monde est media ? Pas de mode d’emploi.

Les gros mots sont : entreprise, travail, territoire. Sur ce thème de la fracture quantité de discours sont possibles.

Le rapport du conseil économique et social sur le développement numérique souligne le contexte règlementaire poussif et l’explosion des besoins.

Il y a un problème d’ajustement de deux mots : réseaux et progrès techniques

Questions des auditeurs

Tentation à la fois de se rassembler et aussi de se segmenter (appartenance à plusieurs groupes très divers) « en étant sur plusieurs groupes dans lesquels on ne connaît qu’une partie de moi, je me protège »

La publicité sur internet est beaucoup plus ciblée.

Que suis-je prêt à donner pour recevoir la meilleur offre au meilleur endroit. (qui n’a pas envie d’avoir un service « personnalisé » )

Mélange entre techniquement possible et socialement réalisé.

Le web participatif sert à se nourrir de l’expérience des autres. Sur les internautes : 1 % de gens participent activement, 8 % plus ou moins, et 90 % se baladent.  (mille manières de participer par exemple notre réunion, on y participe de plusieurs manières)

Ce n’est pas parce que c’est techniquement possible que ça devient pertinent.

Il y a un choix politique : développement des techniques internet, ou développement de notre bagage pour l’utiliser ?

L’internet n’est qu’un outil. Cet outil ne doit pas être le seul. Conserver d’autres modèles

Nous sommes dans un processus de déréalisation des choses.

Intervention d’un maire en milieu rural : la fracture sociale et numérique est une vraie réalité à cause du problème de l’équipement (en matériel et/ou  haut débit) qui normalement doit aider dans le domaine de l’éducation et de la santé.

La logique d’équipement représente 80 % du problème.

La responsabilité de soi (face aux choix qui s’offrent à nous) est anxiogène

On se retrouve devant des choix à faire et donc à la connaissance de soi.

La culture ne doit pas être numérique et sociale, mais cognitive.

On se trouve entre 2 générations (celle qui n’a pas connu internet, et nos enfants qui la maitrisent dès le plus jeune âge) . Nous encaissons cette transformation. On doit repenser notre manière de nous comporter et nos enfants ne sont pas non plus exclus de cela ;

Les enfants ont maintenant besoin du libre arbitre (car ce n’est plus l’éducation du haut vers le bas). L’éducateur n’est plus au niveau parental. Internet n’est pas une fin mais un outil.

Revisiter les fondamentaux et l’ un des premiers est l’estime de soi.

Repenser l’éducation avec le numérique. Ce n’est pas un moteur de recherche, mais un « moteur de trouvabilité ». Comment le traduire en véritable programme ? Les générations futures vont devoir trouver cela.

« Internet comme démocratie réticulaire»

par Paul Mathias (Collège international de Philosophie), auteur de Des libertés numériques (PUF) ;

Internet et démocratie

La démocratie réticulaire

(réticulaire : qualifie un élément qui renvoie à un réseau)

Expérience apparemment authentique mais dans le même temps assujettissement aux réseaux. Platon : la caverne, ça se finit mal sous le père Socrate. Quand on fait de la philo c’est une approche différente, une autre manière, et répondre à la question « qu’est ce que c’est ? »

Qu’est ce que la démocratie sous couvert de l’existence d’internet ?

Au ministère du développement durable, il existe une cellule de réflexion sur la démocratie réticulaire.

Symptôme d’une normalisation de l’idée de démocratie réticulaire.

Dans le milieu des années 90 : réflexion sur la démocratisation trop lâche d’internet (locklocratie, notion de « populasse ») risque de dérive ; la question est évacuée de la réflexion contemporaine.

Institutionnalisation des réseaux : c’est un espace de la vie politique, c’est un espace public, ce n’est plus un instrument.

Si les philosophes s’y intéressent c’est pour quoi ? Quel peut être l’apport de la philo ? Plaçons la réflexion : clarifier, définir ce que peut signifier démocratie électronique.

On peut anticiper une alternative.

Les réseaux sont des instruments de déploiement du discours politique,  du vote,  du fait  d’enrichir les discussions.

L’internet est un outil de redéploiement de la démocratie. (il subvertit l’idée que nous nous faisons de la démocratie, il en change le sens.

Les réseaux transforment ce concept de la démocratie. Le développement des réseaux c’est le développement de nouveaux outils politiques (parler, décider, agir).

D’une part cela perpétue une conception de la démocratie (car instrument servant à la perpétuation du discours, quelque chose qui a du sens). On fait de la politique sur un mode délocalisé et relocalisé. Il y a redistribution des pôles de discussion.

La virtualisation du politique = une re réalisation politique (rester chez soi accentue les possibilités).

L’outil doit être neutre et transparent (pas une médiation)

Mais, le réseau, le logiciel, la rhétorique d’un site ne sont pas neutres.

Cette neutralité, si elle ne marche pas c’est qu’il est déterminant et on ne peut plus dire que le réseau est la perpétuation de la démocratie. Et que cette démocratie est transformée.

Le réseau est aliénant (du mot « autre » en latin). Ce n’est pas du despotisme ou du totalitaire, mais ce n’est pas neutre.

Le réseau infléchit, transforme, subvertit.

Comment définir la démocratie électronique ?

C’est un ensemble de dispositifs qui favorise des interactions entre des instances et le citoyen. Les espaces sont à la fois technologiques et publics.

Du coup la démocratie ne peut plus vouloir dire seulement espace politique, public, mais vecteur de technologie

Ce n’est plus un simple style gouvernemental.

Implications :

1-      L’éducation  nationale a un rôle fondamental dans la résorption de la fracture numérique

2-      La parole (la démocratie est la parole). Ce ne sont pas des grands principes. Paradoxe de la trivialité associée au sérieux. Cela se mélange et les idées se transforment, évoluent. Ce n’est pas la démocratie des grands idéaux qui déferlent mais celle des singularités, des coïncidences.

3-      Ce n’est pas un espace de droit existant mais de rencontres. L’internet est le moment de la rencontre des pathos (émotions , objectivité).

Opportunité d’être des « politiques in prémédités et fortuits » (Montaigne)

Vision subversiviste et platonicienne, ou bien formaliste ?

C’est la question que le Mouvement Démocrate doit se poser .

Arrêt déjeuner……..

« La politique en ligne »,

par Christophe Ginisty (Internet sans frontières), créateur du « forum démocrate », élu d’Issy les Moulineaux

La politique en ligne

Passionné par la révolution numérique et son impact dans la politique.

Nous livre quelques idées « provocantes »

C’est une forme de  duplication de la société, cette idée selon laquelle la société telle que nous la connaissons « dans la vraie vie » s’installe sur Internet, se duplique, en inventant spontanément des codes, des repères et en faisant naître de nouvelles espérances et avec infiniment de liberté.

C’est un espace habité par nous tous qui formons la société.

Il y a sur internet des vertueux et des policiers. Les internautes (pionniers) la vivent mal, cette police qui va leur dicter leurs comportements.

Dans internet il y a la notion de social, et il y a démocratie,  l’appropriation par ces gens de leur espace.Le web amène à la politique des gens qui n’en auraient jamais fait autrement. Exemple de l’année 2005 avec le referendum sur l’Europe, a vu se développer la capacité à se mobiliser et à résister. Sites et blogs ont apparu pour débattre et discuter. Certains disent que cela a contribué à servir le NON. On constate qu’en France les gens ouvrent des blogs en affichant leurs opinions politiques (ce qui n’était pas dans la culture française).

Au soir du 6 mai, au lendemain de la création du mouvement démocrate les bulletins d’adhésion apparaissent sur internet et …provoquent des milliers d’adhésions.

Barak Obama utilise internet, rien ne prouve que c’est ce qui l’a fait gagner. Mais…

L’écrit, la radio ont fait émerger des leaders politiques, la tv aussi (rappelons nous le débat Nixon Kennedy visible sur You Tube). Si internet n’a pas le pouvoir de faire gagner, l’absence de sa maîtrise pourra faire perdre les élections. Tous les gouvernements du monde s’en préoccupent.

Ils coupent même les accès à internet en cas de besoin. (cf la révolte birmane)

EN juin prochain auront lieu en Iran les élections (ou son simulacre). Et bien le premier réflexe dans ce Pays a été la fermeture d’internet afin de stopper les échanges avec l’étranger. Puis les autorités ont décidé la réouverture de Facebook !!! Pourquoi ?

Si, à première vue, on peut considérer que la réouverture de Facebook (ou de tout autre plateforme communautaire libre) est une bonne nouvelle pour les internautes épris de liberté d’expression et de réunion, je doute très sincèrement qu’il faille se réjouir de cette nouvelle. Car, pour ma part, je suis persuadé qu’il y a derrière cette manoeuvre la volonté de mieux contrôler les échanges sur Internet.

L’Iran n’est pas un pays qui respecte la liberté d’expression sur Internet. Tout récemment encore, plusieurs sites consacrés à Mohammad Khatami, l’ancien président iranien, qui se présente en juin prochain contre Mahmoud Ahmadinejad lors des élections présidentielles ont été fermés. Dans ce contexte répressif exacerbé par l’échéance électorale toute proche, je ne vois pas du tout pourquoi les autorités ont décidé de libérer Facebook.

A moins que ce soit une façon plus perverse de censurer la dissidence. Et c’est ce que je suppose, même si je n’en ai pas les preuves formelles.

L’Iran est un pays extrêmement bien connecté à Internet. Selon les informations officielles, 27 millions d’iraniens peuvent avoir accès à Internet sur une population totale d’environ 70 millions d’habitants. Et, selon des sources gouvernementales, parmi les 27 millions d’internautes occasionnels, il y aurait 7,5 millions d’utilisateurs réguliers. Depuis sa réouverture en février dernier, Facebook est devenu le 12ème site le plus consulté par les iraniens. Et, au sommet des sites les plus populaires du pays, on trouve Blogfa derrière Google et Yahoo, une plateforme de blogs. Un autre réseau social, Cloob, arrive en 7ème position et revendique plus de 600.000 membres actifs.

Selon moi, le gouvernement Iranien vient de procéder à la réouverture de Facebook pour une seule raison : mieux contrôler les comportements de ceux qui s’y inscrivent et ainsi mener des initiatives de surveillance et d’intelligence politique. Et ce serait ainsi une nouvelle façon d’organiser la censure en attirant l’internaute vers une plateforme sur laquelle il croit reconquérir sa liberté alors qu’on profite de sa présence « déclarative » pour mieux le connaître et le surveiller.

Car finalement, cela n’a pas de sens de bloquer et fermer les réseaux sociaux, pour des régimes totalitaires. Cela n’a pas de sens car les internautes auront toujours une longueur d’avance sur leurs censeurs et se tourneront vers une forme de clandestinité infiniment plus complexe à observer. En laissant les gens s’inscrire librement sur Facebook sous leur véritable identité, en postant leurs photos, leurs vidéos, en affichant leurs amitiés et leur appartenance à des groupes de soutien, le gouvernement se construit une base de connaissance irremplaçable, bien plus dangereuse que tous les EDVIGE du monde.

Finalement, pour préserver la liberté et protéger les internautes, ne faudrait-il pas les encourager à ne pas s’inscrire sur ce type de site ? La nouvelle liberté sur Internet doit-elle passer par le boycott positif de certaines plateformes ?

Je trouve que l’exemple iranien est intéressant à suivre à ce titre.

Profitons de la liberté qu’on a encore sur internet. Barak Obama a amené un nombre incalculable d’américains à s’intéresser à la politique. La mobilisation de la société a été incroyable.

C’est une opportunité unique pour la démocratie et une alternative aux media traditionnels.

Questions diverses

Question sur la démocratie participative : elle ne doit pas être un alibi

Que va-t-on faire des gens qui s’expriment. Comment organiser la remontée des informations et qu’est ce que je vais en faire ?

Le net ne doit pas être la roue de secours. Non ! c’est une des quatre roues. Pour animer une plate- forme participative, il faut d’abord lancer le débat. C’est aussi un outil de contre pouvoir.

Inquiétude sur internet : les lettrés savent l’utiliser. Une partie des gens a le haut débit et n’a pas les codes pour s’en servir et enfin il y a ceux qui n’ont pas le HD. Quelle place pour la démocratie dans une telle structure ? Réponse : ce qu’il y a de nouveau sur internet c’est qu’on a de plus en plus des gens qui l’utilisent indépendamment de l’éducation qu’ils ont reçue.

Comment traduit on tous ces débats en terme de projet éducatif ?

Les choses bougent grâce aux nouvelles technologies (on parlerait moins d’écologie par exemple)

Aux Us 25 % de la population ne se reconnaît pas dans l’offre politique et en Europe 17 à 20 %. Internet let unit et le politique ne sait pas les utiliser.

Mais les choses peuvent bouger.

« Le pari de mediapart.fr »

par Edwy Plenel (Mediapart), auteur notamment de La découverte du monde (Stock).

Le versant media de cette aventure internet

Son livre « La découverte du Monde » 2004 il  invite constamment au déplacement de la pensée.

Digresse d’emblée en parlant de corruption de l’esprit public, et du nouvel article de Laurent Mauduit dans Mediapart au sujet de F PErol qui aurait touché 2 millions d’euros dans la fusion Natexis banque populaire.

A propos d’internet : il faut sortir de la focalisation d’objet isolé. Nous en sommes à la troisième révolution industrielle (après l’invention de la machine à vapeur et l’électricité), et comme toutes les révolutions il y a progrès et regrès, c’est une bataille.

Tout dépend de nous , il y a interdépendance : la politique et les nations qui s’imbriquent

Grandes conquêtes de lois fondatrices autour de trois thèmes : médiatique, technologique, démocratique.

Charles Péguy : invente les cahiers de la quinzaine avec un enjeu : la vérité (au sujet de l’affaire Dreyfus). C’est Charles Péguy qui invente aussi les universités populaires

E Plenel fait  un exposé particulièrement brillant en soulevant les questions de société qui rendent indispensable l’émergence d’une nouvelle forme de journalisme sur Internet.

Souligne le rapport à la vérité de fait (pas celle d’opinion).

Recommande la lecture du livre d’Hannah Arendt « Vérité et Politique ».

Le cerveau humain produira toujours des vérités, mais dans notre monde les vérités de fait sont bafouées.

Aujourd’hui, ce ne sont pas les opinions qui font l’opinion, mais les informations qui font cette opinion.

Notre (celle des journalistes) responsabilité : légitimité de la fonction sociale du journaliste

Mediapart : l’allusion à Peguy n’est pas un hasard. E P a voulu dépendre de la tradition dans la modernité, du réèl dans le virtuel.

Constat de départ sur la vieille presse : elle vivait une crise de l’offre, de la conscience, du modèle, du rapport à l’information.

C’est une crise de l’offre : et non pas de la demande. La presse est plus de magazine que d’info dans l’opinion.  Elle a monopolisé une liberté qui ne lui appartenait pas. Cette liberté appartient à TOUS les citoyens.

Quel évènement symbolise internet ? C’est l’avènement du media personnel.

« je n’ai pas besoin de vous pour exprimer mon opinion » Et les journalistes sont sommés de revenir à leur métier.

Effondrement de l’ancien éco système de la presse.

C’est une bataille à mener : l’internet c’est ce qu’on va mettre dedans qui dépend de nous.

Quelle est cette bataille sur internet ? J. Ellul se plaignait de « sacralisation » de la technique.

Le visage dominant d’internet est le flux, la superficialité.

Se pose un nouveau besoin démocratique.

Citation d’A. Camus « élever ce pays en élevant son langage », c’est N Sarkozy qui le cite, quelques mois avant le « casse toi pauvre c… »

E Plenel est convaincu qu’on lit plus facilement sur internet que dans les livres

Mediapart ? Indépendance, qualité, participatif. Livre une bataille sur la qualité. Les articles sont présentés solidement documentés (les sources sont citées et accessibles), les liens sont présents, il y a 3 éditions par jour.

C’est un foisonnement d’informations, une forêt vierge. Ils proposent des pistes.

Ce n’est pas du présentisme, ils mettent de la hiérarchie sur Mediapart.

Et ça les a rajeunis, la confiance !!!!

Ce sont les premiers qui ont mis un service payant sur internet, assez critiqué d’ailleurs.

La gratuité qui existe est celle de l’échange, du partage, du  logiciel libre, moral, éthique.

Et il y en a une autre : le tout publicitaire et tout gratuit.

Mais personne n’a proposé un service public de la presse écrite !!

Internet a cassé le prix de la publicité. Et pour être rentable avec le gratuit il faut 10 millions de visiteurs.

Sur internet le verrou de l’anonymat a sauté, on est dans « l’acronymat » et le « pseudonymat ». On a tous des mauvaises pensées lâchées grâce à l’anonymat

Sur Mediapart, le fait d’acheter son billet, ça change tout. Par exemple, Mediapart n’a pas à censurer les commentaires. On assiste donc à une nouvelle vitalité démocratique.

La valeur crée la valeur du travail journalistique et celle d’un public démocratique.

Démocratie – La cour européenne des droits de l’homme qualifie le journaliste de « watch dog de la démocratie »

En France, la question est particulière, la démocratie est la mère des questions.

Déclaration de Christine Albanel à l’Assemblée à propos de la loi « création et internet » « l’accès à internet n’est pas un droit fondamental ». Le pouvoir actuel est complètement incompétent en matière d’internet.

C’est comme si , au 19e siècle on avait dit que le droit à la presse n’était pas un droit fondamental

Il doit y avoir débat, certes, débat conservateur / progressiste. La question démocratique est au cœur de la question sociale.

« La république inachevée » livre d’E Plenel

(Ce livre  veut répondre à des questions d’aujourd’hui en regardant vers hier. L’école est notre miroir  politique  et culturel. Laïcité et diversité, savoir et pédagogie, service public et liberté de l’enseignement, etc. : autant de questions que ressasse le débat politique sur l’éducation. Les réévaluer à l’aune de l’évolution historique est l’objectif de cet ouvrage. Proposant une relecture de la genèse, de l’expansion et de la crise de l’institution scolaire française, il adopte sans cesse une démarche récurrente. Et une même préoccupation anime chaque étape de ce voyage : étudier les rapports de l’école et du pouvoir, comprendre cette spécificité française que constitue l’imbrication du système éducatif  dans l’Etat. )

Qu’avons-nous sous les yeux dans notre critique de l’actuel pouvoir un peu autoritaire « Ayez peur on s’occupe du reste », et je vais m’occuper de vous (comme ces experts du style Alain Minc).

Quel est l’enjeu entre ceux qui ont compris le chant de l’autonomie ?  Ce n’est pas la propriété des experts.

Mediapart à ses yeux est une université populaire.


Conclusion de François Bayrou

François Bayrou est venu assister à la fin des échanges et a improvisé une conclusion en écho à la présentation d’Edwy Plénel. Il a rappelé son attachement à Internet, à ce modèle non marchand qui a émergé du web, à la promesse d’une nouvelle forme de collaboration entre les gens.

François Bayrou dit nous confier du bonheur. Car ont été cités dans ces échanges, Péguy, Ellul  qui lui sont chers.

Il revient sur les déclarations qu’a « lâchées » Alain Minc au Grand Jury de RTL (que je reproduis ici :)

« L’héritier de la démocratie chrétienne devenant une espèce de Le Pen Light c’est-à-dire à la recherche de chaque position négative, c’est bizarre. Ou il était démocrate chrétien et il a bien changé, ou il a pris la démocratie chrétienne en sachant où il va. En particulier quand j’entends  l’héritier de la DC, parti historiquement atlantiste, hurler plus que Chevènement contre le retour de la France dans l’Otan, c’est-à-dire la fin d’un processus qui nous a déjà ramené dans l’Otan, je trouve ça très étrange. Je n’aime pas ce « lepenisme light » Il a deux aspects François Bayrou : il écoute Peyrelevade et il dit « il faut réduire la dette » ou il écoute JF Kahn et il dit « il faut faire un grand plan de relance par la consommation. Quand on est un homme politique responsable, on doit avoir un minimum de cohérence. Et il y a une chose qui me trouble beaucoup plus.  Je vais utiliser une métaphore littéraire : il veut  jouer à Péguy c’est-à-dire le catholicisme de progrès, je trouve que parfois il ressemble à Barrès c’est-à-dire le catholicisme réactionnaire et que je me demande s’il n’ya  pas un soupçon d’ombre de Charles Maurras c’est-à-dire un catholicisme hyper xénophobe qui parfois affleure. Que FB déteste N S (normalement on se combat en politique), Je n’ai pas aimé pendant la campagne présidentielle, peut être ai-je une ouïe particulière étant enfant d’immigré,  FB a dit que NS n’incarnerait jamais les valeurs de la France. Il y avait un petit parfum de « la terre elle ne ment pas, je sais ce qu’est la terre et lui ne le sait pas »  tout ceci me trouble »

Pour en revenir à internet, F B éprouve du bien être à écouter ce qui s’est dit.

Dans internet il y a deux choses : un modèle de non marchand, c’est extraordinairement intéressant « world in progress » et dans cet univers en édification, une capacité de résistance à l’asservissement des esprits.

Il y a obligation de se repérer dans la jungle. Il y a de la servitude sous l’oubli, y compris des choses de la veille. Mais chez Nicolas Sarkozy il en a fait une stratégie du zapping. Il diffuse trois ou quatre idées par jour, et le lendemain on ne se souvient plous de celles de la veille.

Le lieu de résistance principal on le trouve dans internet.

François Bayrou dit son admiration pour Edwy Plenel et JF Kahn qui inventent les modèles qui n’existent pas.

Rappelle qu’Alain Minc avait dit de Mediapart : « ca ne marchera pas », et qu’en partant de cette allégation, Mediapart en a fait un slogan publicitaire « il a dit que ça ne marcherait pas, nous vous remercions pour vos abonnements »

De plus sur Mediapart, on y trouve une certaine qualité de langue et de typographie.

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