Trois jours et un huis clos pour le projet de loi sur les retraites
La première réunion de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites s’est déroulée à huis clos. Mais un twitt s’est échappé de la séance, reconstitué ici par Gaétan Gorce (PS):
Commission des affaires sociales
Séance du 20 juillet 2010 à 15h00
Quelques interventions de François Bayrou au cours de cette séance:
Une remarque de forme d’abord. À quoi sert un débat en commission qui n’est pas public et où l’application de l’article 40 a rendu irrecevables quasiment tous les amendements ? Je me joindrai volontiers à la demande de certains de nos collègues que nos travaux soient au moins retransmis sur LCP-AN, de façon que ceux de nos concitoyens que cela intéresse puissent les suivre. Je ne crois pas au huis clos !
J’en viens au fond. La réforme doit-elle être d’ordre démographique ou pas ? Tous répondent oui, sauf le groupe de Martine Billard. Le Parti socialiste se prononce pour l’allongement de la durée de cotisation au-delà des 41,5 ans. Pour ma part, je pense que faire glisser l’âge de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans est inéluctable et juste. Agir sur la variable durée de cotisation créerait une discrimination à l’égard des personnes ayant fait des études longues ou qui ont « galéré » avant d’entrer dans la vie professionnelle. Je rappelle que la France est seule à agir sur les deux variables, la plupart des pays agissant uniquement sur l’âge de départ à la retraite. J’adhère donc, sur ce point, au texte du Gouvernement.
Néanmoins, j’éprouve trois inquiétudes.
D’abord, malgré les assurances données par le Gouvernement, ce texte n’est pas financé au-delà de 2013. Le Fonds de réserve pour les retraites ne suffira pas, car 32 milliards d’euros sont vite dépensés.
Ensuite, on ne peut limiter la pénibilité au handicap constaté avec une pension. Cela me semble inacceptable.
Enfin, il ne faut pas faire glisser l’âge légal de départ à la retraite sans décote de 65 à 67 ans. Je me battrai bec et ongles afin que les publics les plus faibles – les femmes ayant élevé des enfants, les personnes qui ont « galéré » pendant leur vie professionnelle et celles qui ont travaillé à l’étranger – ne subissent pas cette injustice. Selon la pyramide des départs à la retraite, que m’a communiquée la CNAV, les deux tiers des salariés partent à 60 ans, et ceux qui attendent 65 ans sont environ 3 %, dont la moitié au moins le font parce qu’ils ont atteint le nombre de trimestres nécessaires. Le public qui nous intéresse représentant donc un très petit pourcentage. Dès lors, je ne comprends pas comment le Gouvernement peut affirmer que le départ à 65 ans sans décote coûte 7 milliards d’euros. Il est de notre responsabilité de défendre ces personnes, d’autant plus qu’elles n’ont pas de porte-parole syndical.
Cela dit, je crains fort que l’équilibre de nos systèmes de retraite soit impossible dans le long terme. Il faudrait y réfléchir, comme certains courants politiques ont commencé à le faire. Pour ma part, je défends depuis longtemps l’idée d’un régime par points ou en comptes notionnels.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas prétendre rechercher, en même temps, la justice et le financement de la réforme des retraites par les plus faibles, les plus fragiles et les plus basses pensions ! Cela est choquant !
Suite à la réponse d’Eric Woerth
En vérité, vous spéculez sur l’absence de réaction de ces publics qui ne sont pas représentés et qui vivent avec les revenus de leur conjoint lorsqu’ils en ont un.
Cette séance a été également été reconstituée par les journalistes de Mediapart.
La réforme des retraites à l’Assemblée: Mediapart brise le huis clos!
Voici un extrait au sujet des interventions de François Bayrou
Pourtant, la critique la plus ferme et la plus argumentée vient… de François Bayrou. Le chef de file du Modem, député non-inscrit, n’est pas membre de la commission des affaires sociales. Mais visiblement, il tenait à une sorte de duel avec le ministre.
Le patron du Modem embraye sur la méthode. «Nous avons un problème de forme. A quoi sert un débat en commission qui n’est pas public? Il faudrait des réponses.» Puis il en vient au fond, suscitant des «Ah!» ironiques à droite. «J’ai trois inquiétudes.» Un, «ce texte n’est pas financé à ce jour». Deux, «vous ne pouvez pas limiter la pénibilité au handicap, c’est impossible». Trois, les salariés devront travailler jusqu’à 67 ans avec la réforme parce qu’ils n’auront pas assez cotisé. Enfin, Bayrou propose un système de retraites par points.
Eric Woerth prend la parole juste après. Il défend les grands axes de son texte: «Pas de réforme des retraites sans toucher à l’âge», et une pénibilité «qu’il faut essayer de constater, de mesurer» – il prévoit un départ à 60 ans pour environ 10.000 personnes par an qui peuvent justifier de 20% d’invalidité.
Mais pour la première fois, le ministre admet des failles dans son projet. Il reconnaît qu’une «réforme de la médecine du travail» est «évidemment» nécessaire, mais que le sujet était trop lourd pour l’intégrer dans la réforme. Grande première, il concède que le texte omet de prendre en compte les pénibilités survenant après le départ en retraite (on pense par exemple aux cancers d’origine professionnelle…) «Ce n’est pas complet, dit-il : on ne traite pas des effets différés.» Ils sont toutefois «très difficiles à mesurer», prévient-il.
Enfin, sur le financement, il donne raison à François Bayrou : «On est en 2018 à 50% du montant à financer, il reste les 50% restants»… Au passage, le ministre admet que le fonds de réserve des retraites, doté de 35 milliards d’euros, sera bien mis à contribution: «C’est normal. Il a été fait pour être une réserve quand on en a besoin, et là on en a besoin. Vous avez une réserve d’eau quelque part, un incendie de l’autre côté: vous prenez l’eau pour éteindre l’incendie.»
Bayrou reprend la parole, insistant: «Vous ne pouvez pas chercher à financer (cette réforme) par les plus faibles, les plus fragiles. Il y a là quelque chose de profondément choquant du point de vue de ce qu’on appelle la justice. Vous spéculez sur le fait qu’il n’y aura pas de réaction de ces publics-là car ils n’ont pas de porte-parole pour les représenter.» Woerth encaisse: «Je n’ai pas dit ça.»
Quel dommage !
Quel dommage en effet que Mediapart n’ait pas « twitté » le Conseil national MoDem du 27 mars 2010 !
Nous aurions pu avoir le détail de l’interpellation par Monsieur Bayrou de Rémy Daillet-Wiedemann, sur le mode : « Je sais d’où tu viens. Tu es d’extrême droite … »
Je crains que les shows de RDW ne fassent pas le miel de Médiapart, même quand ils poussent FB au point Godwin.