Ils représentent l’élite de l’Education Nationale. Ils sont passés par une sélection difficile, ils sont passionnés par leur matière, leur métier. Pourtant, ils sont de plus en plus nombreux à envisager de démissionner. Eux-aussi souffrent du malaise des enseignants, et comme de plus en plus de travailleurs, du manque de reconnaissance de leur travail par la société.
C’est ce que montre le rapport de la Société des Agrégés, présenté dans un article du Monde, « Les professeurs agrégés souffrent d’un sentiment de déclassement ».
Que cette population, qui devrait être un des fers de lance de la formation de nos jeunes, en soit réduite à désespérer, cela est très inquiétant pour notre pays et les générations futures.
Attachés à l’enseignement et à la recherche, ce malaise des professeurs nous interpelle particulièrement. Nous pouvons aussi en parler autour de nous, et contribuer à les faire respecter.
Voici des extraits de ce rapport, Y a-t-il un « malaise enseignant » ?
Depuis plusieurs mois, la Société des agrégés de l’Université reçoit un nombre d’appels anormalement élevé de collègues qui ne voient à leur situation aucune autre issue que la démission. Ces demandes d’assistance témoignent d’un sentiment de malaise persistant et mettent en relief la dureté grandissante et les difficultés croissantes attachées au métier de professeur. Surprise par l’ampleur du phénomène, la Société des agrégés a choisi d’approfondir cette question.
Pourtant, les professeurs sont dynamiques, prêts à se former, à progresser et à profiter des opportunités de carrière quand elles leur sont offertes. Parmi les personnes interrogées dans le cadre de cette enquête:
- près d’un tiers ont mentionné être en thèse ou avoir obtenu leur doctorat ;
- 54,7% ont décidé, en cours de carrière, de repasser un concours ;
- 46,0% sont prêtes à reprendre des études en cas de reconversion.
5. Les réponses apportées à notre questionnaire témoignent de l’amour profond des professeurs pour leur métier. Ils disent vouloir faire entendre des souhaits, moins pour satisfaire des revendications particulières que pour retrouver le cœur du métier qu’ils ont choisi : ils n’ont d’autre priorité que la haute idée qu’ils se font de l’enseignement.
6. La raison la plus souvent avancée pour justifier un départ, une demande de congé ou expliquer la lassitude des professeurs en exercice est le manque de reconnaissance, durement ressenti. Ils en attribuent les causes :
- à l’absence de reconnaissance de leur travail par les personnes qu’ils côtoient tous les jours ;
- au reproche qui leur est souvent adressé d’être des privilégiés alors qu’ils ont le sentiment d’avoir au contraire prouvé leur mérite par le concours exigeant qu’ils ont passé. Ce sont les agrégés qui souffrent le plus de ce dernier point.
7. Autre raison importante, un sentiment d’infantilisation qui naît :
- d’une gestion des mutations et des nominations sur lesquelles les professeurs pensent ne posséder aucun moyen de peser ni par leur motivation ni par leur engagement personnel ;
- du sentiment qu’on leur en demande plus qu’à leurs élèves et que leur travail est surveillé davantage que celui de ces derniers ;
- de l’impression qu’ils n’ont plus aucune marge de manoeuvre en terme de liberté pédagogique.
Le malaise semble également naître des contradictions majeures entre les injonctions actuelles adressées aux professeurs et la nature même de leur métier :
- on leur reproche d’être des intellectuels alors que c’est le cœur de leur métier ;
- lorsqu’ils apprécient leur liberté pédagogique, on leur répond travail en équipe mais lorsqu’ils demandent de l’aide devant un cas difficile, on leur objecte la liberté du professeur et sa responsabilité personnelle ;
- ils ont l’impression d’être exposés à des situations difficiles sans aide ni protection suffisante ;
- ils observent une multiplication des responsabilités étrangères à leur tâche d’enseignement sans que la contrepartie leur semble compenser la perte de prestige et de temps qui en découle.
9. Ils ont le sentiment de subir un véritable déclassement :
- ils ne se reconnaissent pas dans l’image du bourgeois nanti qu’ils renvoient à certaines catégories de population alors que leurs ressources financières et les avantages qui leur sont consentis sont moindres que ceux des cadres ayant accompli le même nombre d’années d’études qu’eux ;
- ils ne se reconnaissent pas non plus dans l’image de l’embusqué, peu prompt à travailler que les classes plus aisées de la population voient en eux, alors que, dans la réalité, ils ne comptent pas leurs heures.
Se dessine donc l’image d’un professeur aimant son métier mais malheureux des conditions d’exercice qu’il subit. Sans illusions sur une profession qu’il n’a pas embrassée pour faire carrière mais choisie par goût pour l’enseignement et intérêt pour sa matière, il est dérouté par le manque de considération qui s’y attache.
La notion de « variable d’ajustement » remonte un peu plus dans les couches « supérieures » …
C’est cruel mais relève de la notion comptable et polyvalente de l’individu.
Pour lutter contre, il faut savoir ce que l’on vaut, ce que l’on veut et se regrouper pour faire des propositions, même si chacun voit « midi à sa porte ».
Peut-être faudrait-il « copier » les chercheurs qui avaient mis en place un collectif pour discuter avec les ignorants qui décident à notre place.
« Auto-moteur », et peut-être « révolutionnaire » ?
J’y pense !
Mamouchka.