Article de Stéphane Cossé (Modem) paru dans La Tribune du 14 janvier 2010
TRIBUNE par Stéphane Cossé et Patrice Forget
Avec l’adoption de la loi de finances pour 2010, les futurs conseils régionaux n’auront plus de marges de manœuvre autonomes pour prendre des engagements nouveaux importants. Un contexte pour le moins paradoxal pour des élus qui doivent s’engager dans une campagne électorale. Le citoyen sera plus appelé à se prononcer sur un niveau d’endettement que sur la fiscalité locale.
La campagne pour les élections régionales va se dérouler dans un contexte pour le moins paradoxal. Comme à l’accoutumée, chaque liste dans chaque région va en effet prendre des engagements de toute nature, dont certains pourront avoir un impact financier significatif. Pourtant, à la suite de l’adoption de la loi de finances pour 2010, les futurs conseils régionaux n’auront plus de marges de manœuvre autonomes pour prendre des engagements financiers nouveaux importants, sans risquer de mettre en péril les équilibres financiers fondamentaux de leur collectivité.
En effet, jusqu’ici, les exécutifs régionaux bénéficiaient de trois types de ressources : leurs ressources propres sous forme de fiscalité directe locale (taxe professionnelle et taxe foncière), les ressources fiscales indirectes reversées par l’Etat et les dotations financières également versées par l’Etat. La part de chacune des composantes variait d’une région à l’autre. Dans le cas de l’Ile-de-France, par exemple, elle était d’environ un tiers pour chacune. Toutefois, seule la fiscalité directe locale permettait à la région de piloter son budget. Pour les autres ressources fiscales, la région n’en maîtrisait que partiellement le taux d’imposition et ne pouvait éviter les fluctuations de la conjoncture inhérente à ces taxes.
Ainsi, dans le cas de la TIPP, la région pouvait certes ajouter quelques centimes par litre, mais avec un plafond tellement bas qu’il est presque partout déjà atteint. De même, concernant la taxe sur les cartes grises, elle ne pouvait constater en fin d’année qu’une moins-value si le nombre d’immatriculations baissait ou inversement une plus-value dans le cas contraire.
Avec l’adoption de la loi de finances 2010, la région n’a plus les ressources autonomes que constituait la fiscalité directe locale. Elle ne peut plus en effet faire appel à la taxe foncière, contrairement aux départements et communes, ni à la taxe professionnelle qui a été supprimée. En compensation, elle recevra une fraction de la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de l’imposition forfaitaire sur les réseaux (télécommunications, énergie, etc…). Mais elle n’aura aucune maîtrise sur les taux de ces impositions fixées sur un plan national. On peut parler ici d’une « renationalisation » des taxes. Outre l’autonomie relative qu’elle leur donnait, la fiscalité directe locale avait pour avantage de reposer sur des bases au minimum stables. Cela constituait une assurance d’autant plus importante qu’il n’est pas possible pour les collectivités locales de voter des budgets de fonctionnement en déficit, contrainte que l’Etat dans la gestion de son propre budget ignore superbement.
Sans maîtrise des recettes, comment gérer le budget d’une région ? Soit en ajustant les dépenses, soit en s’endettant. Or, on le sait, l’inertie à la baisse des dépenses est forte, d’autant plus que l’Etat continue à transférer aux régions des dépenses qu’il ne peut plus lui-même financer. En outre, l’Etat n’hésite pas à fustiger les dépenses des régions… tout en les incitant à investir (et donc à créer de futures dépenses de fonctionnement) pour soutenir l’activité en cas de crise comme on l’a vu en 2009. Reste l’endettement : or, même s’il est encore soutenable dans certaines régions, l’endettement consolidé de toutes les administrations (Etat, Sécurité sociale, et collectivités locales), lui, ne l’est plus.
Tout nouvel engagement financier d’une région va donc être soumis à de fortes incertitudes sur son financement. Pour dégager des marges de manœuvre financière, une région devra faire venir de nouvelles entreprises pour élargir l’assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée. Pour le faire, elle pourra réduire ou supprimer temporairement la cotisation sur la valeur ajoutée dans certaines zones. Mais faute de pouvoir relever d’autres impôts, la région ne sera guère incitée à le faire. Ailleurs, en l’absence d’outil fiscal pour attirer des entreprises, elle devra alors… augmenter ses dépenses, par exemple en créant de nouvelles infrastructures pour accueillir des nouveaux pôles d’activités économiques ou en octroyant des subventions.
C’est donc bien à une drôle de campagne à laquelle nous allons assister. Le citoyen sera plus appelé à se prononcer sur un niveau d’endettement variable et incertain que sur celui de l’impôt régional. On peut douter que la lisibilité du débat électoral s’y retrouve.
Stéphane Cossé, ancien « senior economist » au FMI et maître de conférences à l’IEP Paris, et Patrice Forget, ancien directeur de la législation fiscale au ministère des Finances
La Tribune 14/01/10
Je ne suis pas un spécialiste de la finance publique, mais dois-je en déduire que la « promesse » de Xavier Bertrand consistant à dire que dans toutes les régions qui passeront sous giron de l’UMP il n’y aura aucune augmentation d’impôt repose en fait sur une loi de finance à portée nationale ?